Quels sont les grands courants historiques qui ont influencé le théâtre ?

Le théâtre, art millénaire de la représentation, a connu de nombreuses évolutions au fil des siècles. Des amphithéâtres grecs aux scènes contemporaines, le théâtre s'est constamment transformé, reflétant les changements sociaux, culturels et artistiques de chaque époque. Cette forme d'expression unique a été façonnée par des mouvements artistiques majeurs, des innovations dramaturgiques et des contextes historiques variés. Comprendre ces influences permet d'apprécier la richesse et la complexité du théâtre moderne.

Le théâtre antique grec et romain

Le théâtre occidental trouve ses racines dans la Grèce antique, où il était étroitement lié aux célébrations religieuses. Les premières représentations théâtrales avaient lieu lors des festivals en l'honneur de Dionysos, dieu du vin et de la fertilité. Ces célébrations ont progressivement évolué vers des formes plus structurées de spectacle, donnant naissance à la tragédie et à la comédie grecques.

La tragédie grecque d'Eschyle Sophocle Euripide

La tragédie grecque, considérée comme le genre le plus noble du théâtre antique, a été portée à son apogée par trois grands dramaturges : Eschyle, Sophocle et Euripide. Ces auteurs ont exploré les thèmes universels de la condition humaine, tels que le destin, la justice divine et les conflits moraux. Leurs œuvres, comme Œdipe Roi de Sophocle ou Médée d'Euripide, continuent d'inspirer les metteurs en scène contemporains.

Les tragédies grecques se caractérisaient par leur structure rigoureuse, incluant le chœur, élément essentiel qui commentait l'action et représentait la voix de la communauté. L'utilisation de masques et de cothurnes (chaussures à semelles épaisses) permettait aux acteurs d'incarner divers personnages et d'être visibles dans les vastes amphithéâtres en plein air.

La comédie grecque d'Aristophane Ménandre

Parallèlement à la tragédie, la comédie grecque s'est développée comme un genre à part entière. Aristophane, maître de la comédie ancienne, utilisait la satire politique et sociale pour critiquer les personnalités publiques et les institutions de son époque. Ses pièces, comme Les Nuées ou Lysistrata, mêlaient humour grivois et commentaire politique acerbe.

Plus tard, Ménandre a introduit la comédie nouvelle, se concentrant davantage sur les intrigues domestiques et les personnages types. Cette évolution a jeté les bases de la comédie de mœurs qui influencera plus tard le théâtre romain et la commedia dell'arte.

Le théâtre romain de Plaute Térence

Le théâtre romain, largement influencé par son prédécesseur grec, a apporté ses propres innovations. Les dramaturges romains comme Plaute et Térence ont adapté les comédies grecques au goût romain, en y ajoutant des éléments de farce et d'intrigue plus complexes. Plaute, connu pour ses comédies énergiques comme Amphitryon, a influencé des auteurs bien au-delà de l'Antiquité, inspirant même Molière des siècles plus tard.

Térence, quant à lui, a développé des intrigues plus subtiles et des personnages plus nuancés. Ses pièces, comme L'Andrienne, ont marqué un tournant vers une comédie plus raffinée et psychologique. Le théâtre romain a également introduit l'usage de décors peints et de machineries plus élaborées, préfigurant les développements techniques du théâtre moderne.

Le théâtre médiéval religieux et profane

Après la chute de l'Empire romain, le théâtre occidental a connu une période de transition. L'Église, initialement hostile aux spectacles, a progressivement intégré des éléments théâtraux dans ses cérémonies. Cette évolution a donné naissance au théâtre religieux médiéval, avec ses mystères et ses miracles, représentant des épisodes bibliques ou des vies de saints.

Parallèlement, un théâtre profane s'est développé, notamment avec les farces et les sotties. Ces formes théâtrales, souvent jouées lors de fêtes populaires, mêlaient humour, satire sociale et morale. La farce de Maître Pathelin, par exemple, reste un classique du genre, illustrant la ruse et la duperie dans un contexte médiéval.

Le théâtre médiéval se caractérisait par sa polyvalence spatiale, les représentations ayant lieu aussi bien dans les églises que sur les places publiques. Cette flexibilité a influencé la conception des espaces scéniques futurs, préparant le terrain pour les innovations de la Renaissance.

La Commedia dell'arte italienne du XVIe siècle

La Commedia dell'arte, née en Italie au XVIe siècle, a révolutionné l'art théâtral en introduisant l'improvisation et des personnages types. Cette forme de théâtre populaire se distinguait par l'utilisation de masques et de costumes caractéristiques pour chaque personnage, comme Arlequin, Pantalon ou le Docteur.

Les acteurs de la Commedia dell'arte maîtrisaient un répertoire de lazzi, courtes séquences comiques qu'ils pouvaient insérer à volonté dans le canevas de l'histoire. Cette flexibilité permettait une interaction dynamique avec le public et une adaptation constante du spectacle.

L'impact de la Commedia dell'arte s'est étendu bien au-delà de l'Italie, influençant le développement du théâtre dans toute l'Europe. Son héritage se retrouve dans de nombreuses formes théâtrales contemporaines, du vaudeville au théâtre de rue.

Le théâtre élisabéthain de Shakespeare Marlowe

Le théâtre élisabéthain, qui s'est épanoui en Angleterre à la fin du XVIe et au début du XVIIe siècle, représente l'un des sommets de l'art dramatique occidental. William Shakespeare et Christopher Marlowe en sont les figures de proue, ayant produit des œuvres qui continuent de captiver les publics du monde entier.

Shakespeare, en particulier, a révolutionné le théâtre par sa maîtrise du langage, la profondeur psychologique de ses personnages et sa capacité à mêler tragique et comique. Des pièces comme Hamlet, Le Roi Lear ou Macbeth explorent les aspects les plus sombres de la nature humaine, tandis que ses comédies comme Le Songe d'une nuit d'été montrent une inventivité et une poésie inégalées.

Le théâtre élisabéthain se caractérisait par sa scène ouverte, sans rideau, entourée par le public sur trois côtés. Cette configuration favorisait une interaction directe entre acteurs et spectateurs, créant une expérience théâtrale immersive. L'absence de décors élaborés mettait l'accent sur le texte et le jeu des acteurs, exigeant une grande virtuosité verbale et physique.

Christopher Marlowe, bien que sa carrière ait été brève, a également laissé une empreinte durable sur le théâtre anglais. Ses pièces comme Docteur Faustus ont exploré des thèmes ambitieux et controversés, ouvrant la voie à un théâtre plus audacieux et philosophique.

Le théâtre classique français du XVIIe siècle

Le XVIIe siècle français a vu l'émergence du théâtre classique, caractérisé par sa rigueur formelle et son respect des règles aristotéliciennes. Cette période, souvent appelée le Siècle d'Or du théâtre français, a produit des œuvres qui sont devenues des références mondiales en matière de dramaturgie.

Les tragédies de Corneille et Racine

Pierre Corneille et Jean Racine ont porté la tragédie française à son apogée. Corneille, avec des pièces comme Le Cid et Horace, a exploré les conflits entre devoir et passion, mettant en scène des héros aux prises avec des dilemmes moraux complexes. Son style, caractérisé par la grandeur et l'héroïsme, a défini l'idéal du théâtre classique français.

Racine, quant à lui, s'est concentré sur l'analyse psychologique et la passion destructrice. Ses tragédies, telles que Phèdre et Andromaque, sont des études minutieuses des tourments de l'âme humaine, exprimées dans un langage d'une grande pureté poétique.

Les comédies de Molière Marivaux Beaumarchais

La comédie française a connu son âge d'or avec Molière, dont les pièces comme Le Tartuffe, Le Misanthrope et L'Avare restent des classiques incontournables. Molière a su allier la critique sociale à un comique tantôt subtil, tantôt burlesque, créant des personnages archétypaux qui sont entrés dans la culture populaire.

Plus tard, Marivaux a apporté une touche de finesse psychologique à la comédie, explorant les subtilités de l'amour et des relations sociales dans des pièces comme Le Jeu de l'amour et du hasard. Beaumarchais, avec Le Barbier de Séville et Le Mariage de Figaro, a insufflé un esprit révolutionnaire à la comédie, annonçant les changements sociaux à venir.

Les règles classiques des trois unités

Le théâtre classique français était régi par les fameuses règles des trois unités, codifiées par l'Abbé d'Aubignac dans sa Pratique du théâtre (1657). Ces règles, inspirées d'une interprétation de la Poétique d'Aristote, visaient à créer une illusion de réalité et à maintenir la vraisemblance de l'action dramatique.

Les trois unités étaient :

  • L'unité de temps : l'action devait se dérouler en 24 heures maximum.
  • L'unité de lieu : l'action devait se passer dans un seul endroit.
  • L'unité d'action : l'intrigue devait être centrée sur une seule action principale.

Ces règles, bien que contraignantes, ont poussé les dramaturges à une grande créativité dans la construction de leurs intrigues. Racine, par exemple, excellait à concentrer des passions intenses dans un cadre temporel et spatial restreint, comme dans Phèdre où toute l'action se déroule en une journée dans le palais de Thésée.